Port-Autorithy : cinéma et performance voguing en présence de l’auteur

Le Centre LGBTI du Poitou et l’Association Transendance se sont associés un évènement programmé par le cinéma associatif Le Dietrich, samedi 23 novembre à Poitiers : la présentation du premier film « Port Authority » de Danielle Lessovitz, œuvre sélectionnée à Cannes (Un Certain Regard). Le film est éclairé par la prestation de Leyna Bloom, jeune actrice transgenre, dont les Inrockuptibles écrivent que « cette magnifique jeune afro-américaine de 25 ans incendie l’écran », dans un premier rôle – celui de Wye, jeune transgenre « vogueuse », « qu’elle a accepté pour faire connaître cette communauté au-delà des clichés, et mener le combat pour la visibilité ».  Un objectif de visibilité qui ne pouvait que mobiliser le Centre LGBTI, et motiver les deux jeunes performers de Transendance, qui nous ont gratifiés d’une superbe prestation de voguing, pour lancer la soirée, avant de co-animer le débat qui l’a clôturée.

Le film, « Port-Authority », présenté en avant-première, nous ouvre en effet une porte sur la scène Vogue new-yorkaise, bientôt 40 ans après le début du phénomène – dans les années 80, sur fond de Sida, dans un New-York qui n’a rien à voir avec la cité « gentrifiée » d’aujourd’hui. Cette vision dans la durée du phénomène Vogue, qu’un film d’à peine 1h30 ne pouvait embrasser, le livre « Jolis, jolis monstres » de Julien Dufresne-Lamy, dédicacé par son auteur à l’issue de séance, la développe à travers le regard croisé de ses deux personnages principaux : James – alias Lady Prudence – une drag qui revient, après une longue mise au vert, sur le terrain où elle a brûlé sa jeunesse, et Victor, jeune latino, arrivant de sa côte ouest, avec le projet d’associer stand-up et voguing. Le point commun du film et du livre réside peut-être dans la confrontation d’un personnage transgenre, et d’un personnage cisgenre et hétéro. Dans le livre : James-Lady-Prudence, l’ex-drag-queen, et Victor, qui, en participant au jeu téléréalité « Ru-Paul’s Drag Race », fait son « coming out  de vogueur » à sa petite famille ; dans le film : Wye, la métisse vogueuse oiseau de nuit, et Paul, le « petit-blanc » débarqué à New-York, qui, rejeté par la demi-sœur qui devait l’héberger, se fait enrôler par une bande de petit racketteurs dont Wye et ses consorts, squatters et sans-papier, ne manqueront pas d’être victimes à leur tour. L’enjeu pour les deux personnages cisgenre est dans un conflit de loyautés, qui les obligeront, l’un comme l’autre, à dépasser leurs a priori et leurs barrières de genre, prenant ainsi par la main le lecteur comme le spectateur pour l’amener à interroger ses certitudes.

Bien sûr tous les spectateurs du Dietrich n’avaient pas lu le roman, et son jeune auteur de 32 ans a eu l’intelligence de ne pas chercher à vendre sa prose. Au contraire, avec l’animatrice, avec Paul et ses camarades de Transendance, il a su engager un dialogue nourri avec l’assistance, plutôt jeune et dense – et pourquoi pas « dance » – portant notamment sur la notion de « Culture Queer », une notion que la nouvelle génération, s’est de toute évidence largement appropriée.

Pour avoir échangé récemment avec Amélie, la programmatrice du Dietrich, cette soirée est une réussite qui sera suivie d’autres rendez-vous, notamment dans le cadre de la prochaine édition du Festival LGBTI du Poitou. Aussi, n’hésitons pas à faire de propositions, selon nos découvertes et nos envies.

Christian