Tribune : PMA : « Nous demandons les mêmes droits pour toutes les femmes et leurs enfants »
Le Centre LGBTI du Poitou se joint à la Tribune écrite par un collectif, parue dans Le Monde le 5 septembre 2019.
Après la fin, le 5 septembre, des auditions parlementaires sur la loi relative à la bioéthique, son examen doit débuter le 10 septembre à l’Assemblée nationale. Cette loi prévoyant l’ouverture de la procréation médicament assistée (PMA) à toutes les femmes, en couple ou célibataires, les familles homoparentales ont de grands espoirs de se voir enfin reconnues à part entière par la République française.
Malheureusement, ce projet de justice et d’égalité contient des mesures qui inquiètent les principales intéressées, car elles sont de nature à traiter les couples de femmes et leurs familles de manière discriminatoire au regard du droit et de l’état civil, avec la création d’un nouveau type d’établissement de la filiation pour elles et leurs enfants ainsi que par la référence stigmatisante du mode de procréation sur les actes de naissance des enfants nés d’une PMA avec don.
Il y a six ans, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe était saluée comme un pas majeur vers l’égalité. Mais, incomplète, cette loi a créé un vide juridique en matière de parentalité et de protection des enfants. Malgré les revendications portées à l’époque par de nombreuses associations, les couples homoparentaux et les personnes homosexuelles seules n’ont pas obtenu leur statut de parents de pleins droits à égalité avec les personnes et les couples hétérosexuels.
Les parents homosexuels mis sous surveillance
L’article 6-1 du code civil, créé pour l’occasion, prive de fait les couples de même sexe d’une filiation dans ou hors mariage, à l’exception de l’adoption, les obligeant à se marier pour adopter, y compris l’enfant né dans le couple. Soumis au droit de l’adoption, les parents homosexuels sont mis sous surveillance : la procédure implique l’intervention de policiers et de magistrats et la création d’un dossier de moralité.
Une intrusion dans la vie privée très mal vécue par des parents pour adopter des enfants qui sont déjà les leurs, quand ils les ont désirés et aimés depuis le premier jour et les élèvent depuis leur naissance. Les conséquences de cet article du code civil pour les couples homosexuels ont été : aucun accès à la PMA en France pour les femmes lesbiennes ; aucune reconnaissance des familles au-delà du couple, par exemple des familles coparentales ou recomposées ; une totale insécurité juridique des enfants de couples non mariés ou séparés dont la filiation avec le deuxième parent est impossible.
En ouvrant la PMA à toutes les femmes sans discrimination du fait de leur orientation sexuelle, leur statut matrimonial ou leur identité de genre, la loi doit leur garantir une égalité de droit et de justice, ce qui signifie : même accès à la PMA pour toutes ; prise en charge identique par la Sécurité sociale ; établissement de la filiation dans les mêmes conditions pour toutes.
Extension du droit commun à toutes les familles
Si les deux premiers points semblent en bonne voie, le dernier suscite de vives inquiétudes. L’option actuellement étudiée qui consisterait à créer un nouveau type d’établissement de la filiation réservé aux personnes ayant recours à un don de gamètes ou aux couples de femmes ne peut pas être envisagée sérieusement dans le cadre d’une loi qui vise à corriger une inégalité entre les citoyens. Nous savons les conséquences de la mise à l’écart du droit commun ; les personnes homosexuelles en font les frais depuis trop longtemps pour l’accepter.
En conséquence, dans le cadre de cette loi, nous voulons l’extension du droit commun à toutes les familles et nous nous opposons aux options qui viseraient à créer un nouveau type de filiation avec la déclaration anticipée de volonté (DAV), qu’elle soit à destination exclusive des couples de femmes ou de l’ensemble des personnes – homosexuelles ou hétérosexuelles – ayant recours à un don de gamètes.
Aujourd’hui, l’homme et la femme ayant recours à une PMA avec donneur signent un consentement au don qui scelle la filiation de manière incontestable, qu’ils soient géniteurs ou pas. Après signature devant notaire du consentement au don, la filiation est établie par la présomption de paternité si l’homme est marié à la femme qui accouche, ou par la reconnaissance s’il n’est pas marié avec elle.
Un engagement pour l’égalité
Il suffit donc d’étendre ce droit à la femme ou à la compagne de la mère qui accouchera pour traiter leurs couples, leurs familles et leurs enfants à égalité avec les autres. Rien, juridiquement, n’empêche cette extension du droit. Ce choix relève exclusivement du politique.
Nous appelons donc les parlementaires à porter l’engagement d’égalité du président Emmanuel Macron soutenu pendant la campagne électorale et à rendre les familles égales en droit dans notre pays. La loi doit permettre à chaque parent de se sentir pleinement reconnu, indépendamment de son orientation sexuelle et à chaque enfant de se sentir pleinement accueilli dans notre maison commune, la France, dans les mêmes conditions que tous les autres enfants, indépendamment de l’orientation sexuelle de ses parents ou des modalités de sa conception.
Nous comptons sur eux pour qu’enfin les mots de liberté, d’égalité et de justice, recouvrent un sens entier pour nos concitoyens et concitoyennes homosexuel (le) s, leurs familles, et leurs enfants.
La liste complète des signataires est accessible ici