Discours du Collectif LGBTI – Marche des Fiertés 2017

Le thème choisi pour cette édition de la Semaine des Visibilités est « ¿Politiquement incorrect ? ». Le mot politique est ici à comprendre dans son sens premier issu du terme grec politikos adjectif signifiant « qui concerne les citoyens »
La politique est l’affaire de toutes et tous. Dire et/ou vivre son homosexualité ou sa transidentité est en soi un acte politique. Manifester pour le respect de toutes et tous quelle que soit l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des personnes est également un acte politique.

Ce mot se réfère donc à la place des citoyens dans la Cité.
Nous, personnes LGBTI, citoyennes, citoyens à part entière, nous ne réclamons pas des droits particuliers qui nous conféreraient des privilèges mais souhaitons simplement toujours plus d’égalité avec les autres citoyens, dans tous les domaines de la législation y compris tout ce qui touche à l’organisation de notre vie sociale, affective, conjugale, matrimoniale, parentale.
Si socialement les lesbiennes, les gays et les bi-e-s ont vu depuis 35 ans leur reconnaissance sociale progresser, il reste encore du chemin à parcourir pour une acceptation pleine et entière de nos orientations sexuelles et amoureuses.
De plus , la reconnaissance sociale des personnes trans et intersexes en est en France à ses débuts. La récente adoption du texte qui facilite la modification de la carte d’identité doit ouvrir la porte à des progrès futurs, mettant en place un changement d’état civil libre et gratuit, entièrement démédicalisé et déjudiciarisé.
Comme en Argentine, Danemark ou Norvège, il faut que ce changement d’état civil puisse se faire simplement et rapidement, afin de ne plus laisser les personnes trans dans ce désert juridique dans lequel nombre d’entre elles meurent.

En matière de politique, au sens de système d’organisation d’un Etat, il ne suffit pas de poser des principes, encore faut-il les appliquer, et, dans un pays prétendument non discriminant, de manière uniforme pour toutes et tous.

La république française est-elle une et indivisible quand elle organise des colloques sur le suicide consacrés exclusivement aux hétérosexuels qui sont femmes ou hommes de naissance, c’est à dire cisgenres ?
En France, les personnes LGBTI sont pourtant parmi les premières concernées par le risque suicidaire avec un passage à l’acte de 7 à 13 fois supérieur.

La république française est-elle une et indivisible quand le droit des femmes est réservé aux femmes hétérosexuelles et cisgenres ?
La France reste avec l’Irlande le seul pays de l’ouest de l’Europe à interdire aux femmes lesbiennes d’accéder à la Procréation Médicalement Assistée. La liberté de disposer de son corps serait-elle à géométrie variable en fonction de l’orientation sexuelle des femmes ?
De même qu’un couple hétéro qui ne peut pas procréer par lui-même a accès à la PMA, pourquoi un couple de femmes qui se retrouve de fait dans la même situation ne pourrait-elle pas y avoir également accès ?

La république française est-elle une et indivisible quand les personnes trans et intersexes sont indéfiniment priées d’attendre pour être pleinement reconnues dans leur droit à exister ?
Malgré les rappels à l’ordre de l’ONU, le sexe neutre n’est toujours pas reconnu par la france. La récente décision de la Cour de Cassation le rappelle cruellement. Les interventions chirurgicales sur les enfants intersexes ont toujours lieu malgré les mises en garde des associations intersexes sur les conséquences néfastes qu’elles provoquent.

La république française est-elle une et indivisible quand les personnes âgées sont considérées comme étant toutes hétéros et asexuées ?
Est elle une et indivisible quand, dans un pays très majoritairement non-croyant, certains pervertissent la laïcité à des fins discriminatoires opérant tant sur le plan religieux que sociétal ?

Est elle une et indivisible quand les personnes LGB sont sommées d’être discrètes voire transparentes ou d’office invisibilisées ?
Pourquoi, alors que les couples hétéros ne sont jamais invisibles, les couples d’hommes ou de femmes devraient l’être ?
Nous refusons que des individus, des institutions ou des Etats fassent disparaître des personnes LGBTI que ce soit physiquement par des attentats comme celui d’Orlando ou virtuellement, comme l’ont fait les médias et des politiques au lendemain de cet attentat, en n’en désignant pas explicitement les motivations.
Nous refusons que des institutions comme l’hôpital, l’école, la maison de retraite, ou le monde du travail invisibilisent et discriminent toujours les personnes LGBTI.

Est-elle une et indivisible quand seuls les déportés hétérosexuels sont réellement reconnus par des cérémonies à la mémoire sélective ?
Comment comprendre que la france ne réagisse pas, a contrario de ses voisins européens, à la hauteur des crimes contre l’humanité actuellement perpétrés en Tchétchénie contre toute personne supposée homosexuelle ?
Comment expliquer que le ministère des affaires étrangères, dans ses conseils aux voyageurs, ne prévienne pas les ressortissants français LGBTI contre les dangers qu’ils courent en se rendant en Russie , contrairement à ce qui se pratique dans d’autres pays européens ?

Celles et ceux qui considèrent qu’il y a des citoyennes et citoyens de seconde zone fracturent la république française, qui n’est alors une et indivisible que sur le plan géographique.

L’unité nationale ne se décrète pas. Elle ne se construit pas en agitant un drapeau tricolore mais en faisant que chacune ou chacun se sente faire partie d’une même communauté nationale quelle que soit notamment ses origines, son sexe, son orientation sexuelle et son genre…

Si nos actions ont essentiellement pour but de lutter contre les discriminations que subissent les personnes LGBTI et leurs proches, nous combattons de fait l’absence de reconnaissance et/ou la stigmatisation que peuvent vivre toutes les personnes qui ne se soumettent pas aux normes genrées.
Ces normes absurdes et nocives présentent comme des vérités absolues des principes qui peuvent être aisément remis en cause.
En effet, comment nier que l’homosexualité et la bisexualité ne sont jamais que des variantes naturelles de la sexualité et que le genre est un continuum qui n’est pas figé dans la binarité homme-femme ?

Par le fait même d’exister et par le fait d’être visible, les personnes LGBTI déconstruisent et remettent en perspective les normes genrées imposées au fil du temps par les religions et qui perdurent dans une société française pourtant très majoritairement non-croyante.

Que votre vie ne vous soit pas imposée par des normes, des personnes jalouses ou aigries à la vue de nos émancipations, ou par des femmes et hommes politiques méprisant l’intérêt général !

Comme le proclame la chanson ¿A quíen le importa? devenu hymne de la Worldpride 2017, votre destin est le vôtre et c’est à vous de le choisir.